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La Financial Crime Commission, avant tout un instrument politique

Written by on December 19, 2023

La Financial Crime Commission, avant tout un instrument politique

Sauf accident, la Financial Crime Commission Act (FCC) sera promulguée au début de l’année prochaine. Dès lors, le tout puissant Premier ministre pourra nommer le directeur de l’institution chargée officiellement de la lutte contre la corruption et les délits financiers. Avec ses pouvoirs exclusifs, ce dernier pourra ouvrir une enquête contre toute personne ou entité, ordonner des arrestations, déposer des actes d’accusation et poursuivre devant la justice.

Menée au pas de charge à travers les dédales parlementaires, cette loi se donne l’air d’un instrument politique au service du régime contre ses adversaires. Les premiers pointés du doigt sont tout indiqués. En premier, Navin Ramgoolam, l’ancien chef du gouvernement et principal challenger de Pravind Jugnauth lors des prochaines élections générales. Ensuite, Sherry Singh, l’ex-CEO de Mauritius Telecom, dont les malversations alléguées ont été commises ou pas avec la bénédiction du régime actuel. Il est toutefois tombé depuis en disgrâce. En réalité la FCC peut s’attaquer à toute personne sans passer par le Directeur des poursuites publiques (DPP) dont le poste constitutionnel est une garantie contre tout abus judiciaire.

« L’omnipotent et les impotents »

C’est sous ce titre très parlant que le rédacteur en chef de L’Express Nad Sivaramen signe son éditorial de lundi. « À l’heure où de nombreux citoyens, sensibles de leur vie privée et des libertés civiles, expriment leurs craintes quant aux capacités accrues de surveillance ou d’espionnage de la future FCC, dont le vote est prévu mardi dans la pénombre d’une nuit particulièrement noire, le Premier ministre a commis un faux pas au Parlement en voulant acculer un député de l’opposition, le remuant Ehsan Juman », lance-t-il. En l’occurrence, Pravind Jugnauth a eu accès au dossier de la police — il n’en a pas le droit à cause de la séparation des pouvoir entre le judiciaire et l’exécutif — et c’est justement ce genre de scénario qu’on peut redouter avec la FCC. « Maintenant quand un Commissaire de police, ouvertement en guerre contre le DPP, partage des informations confidentielles, de nature politiques, à des politiciens…, on franchit une ligne rouge que la création de la FCC va légitimer », met en garde L’Express.

Pravind Jugnauth s’attaque au DPP et inscrit un own-goal

Dans le même registre, les intentions de la majorité gouvernementale sont, selon Le Mauricien de samedi, très claires. « En dépit des objections formulées à l’encontre de la FCC, notamment l’opération mirror-imaging des pouvoirs et des prérogatives constitutionnelles du DPP en faveur d’un nominé politique à la tête de cette nouvelle agence, le gouvernement ne compte nullement faire machine arrière. » Le DPP n’a toutefois pas dit son dernier mot, relève le quotidien qui cite un communiqué de presse émis mercredi dernier : « is committed to uphold its integrity and independance pursuant to the long standing constitutionnal guarantees… » Dans ce communiqué, le DPP s’élevait donc publiquement contre le fait que le Premier ministre avait eu accès au « case file » d’Ehsan Juman. En brandissant ce dossier au Parlement, Pravind Jugnauth voulait s’attaquer aussi au DPP qui n’avait pas donné suite à ce dossier. C’était un own-goal magistral dans la mesure où le député port-louisien n’avait pas commis d’acte illégal.

Ne pas perdre sa capacité d’indignation

Dans un édito qui veut réveiller des consciences, le dernier Week-End demande aux citoyens de ne jamais perdre leur capacité d’indignation face aux abus divers. « Ne jamais s’habituer, plaide l’éditorialiste, à la mentalité mesquine et anti-démocratique, à l’inclination dictatoriale du régime, à la honteuse combine, aux coups de canifs à nos institutions, aux tentatives de rogner les garanties constitutionnelles pour faire passer ce projet controversé qu’est la création de la FCC. C’est limite pathologique et révélateur d’une absence d’assurance et de confiance en soi et de quelqu’un qui a peine à s’imposer et à convaincre par la justesse et la force de ses arguments. »

Gare au retour de manivelle

« Si Pravind Jugnauth a une si grande influence sur la police, au point de l’afficher (le case file de Juman), imaginez maintenant ce qu’il sera capable de faire si les pouvoirs du DPP sont conférés à celui qu’il nommera à la tête de la FCC, avertit Zahirah Radha, rédactrice en chef du Sunday Times. Le risque qu’il impose et qu’il dicte sa propre loi est réel. Il fera comme bon lui chante. S’il a pu pousser l’ICAC à changer de position dans l’affaire MedPoint, ce ne sera pour Pravind Jugnauth qu’un jeu d’enfant pour mener la FCC à la baguette pour parvenir à ses fins. Nul besoin d’être sorcier d’ailleurs pour savoir que c’est Navin Ramgoolam qu’il vise. » Zahirah Radha demande au Premier ministre de se méfier du retour de manivelle s’il persiste avec sa décision d’aller de l’avant avec la FCC sous sa forme actuelle.

Après le fiasco de l’ICAC, la FCC

Dans le Mauritius Times, Madhukar Ramlallah tient à rappeler que le gouvernement dispose déjà de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) et selon lui, il n’est pas inutile de faire le bilan de celle-ci pour imaginer ce que la FCC pourrait nous réserver. « In fact, the performance of ICAC and its handling of a large number of high-profile cases has been under the scanner since many years now, even under the preceding government. Its inexplicable turnaround in the MedPoint case gave rise to a number of questions as to its impartiality and independence. The list of affairs where it is yet to be known where its enquiries stand such as the Dufry scandal (2015), the Alvaro Sobrinho scandal (2018), the Sugar Insurance Board Fund’s highly excessive overpayment of land/ valuation scandal (2018), the Yerrigadoo/Bet scandal (2018), the Glen Agliotti scandal (2019), the Serenity Gate/Film Rebate scheme scandal (2019) and the St Louis Power Station scandal keeps getting longer. All these pending inquiries highlight the absence of a credible and respected investigative agency capable of handling white collar crime independently of political proximity. »