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L’après Belal : Il y a un menteur dans la salle

Written by on January 17, 2024

Il y a des moments charnières dans la vie de chacun de nous où l’on est amené à prendre des décisions qui peuvent changer le cours de sa propre histoire ou celle de la société dans laquelle on vit. Il s’agit d’agir en sa capacité intellectuelle et morale dont on connaît les limites, d’assumer les conséquences de ses actes et aussi de pouvoir se regarder chaque matin, sans avoir honte, dans le miroir. C’est une question de confiance en soi-même, mais aussi de la forte croyance qu’on tient notre destin dans nos mains et qu’on ne baisse pas la tête devant la première épreuve.

Ram Dharmea, dont le Premier ministre Pravind Jugnauth a annoncé lundi la démission de son poste de directeur général des services météo, s’est retrouvé dans l’œil d’un cyclone auquel il ne s’attendait sans doute pas. On connaît les circonstances. La gestion catastrophique du cyclone Belal a donné lieu lundi a un rare désastre. Les pluies diluviennes ont provoqué de nombreuses accumulations et inondations dans l’île. Dans le centre de la capitale, le puissant courant d’eau emporte tout sur son passage et met sérieusement des vies humaines en danger. Les réseaux sociaux diffusent les horribles et tristes images tous azimuts. C’est la colère.

C’est là lundi vers 17h00 que le chef du gouvernement intervient à la télévision nationale, sans que des journalistes puissent lui poser de questions ou demander des précisions. Il se dit en colère et, comme pour donner un susucre à la population, annonce que Ram Dharmea a démissionné de son poste. Il a « stepped down », affirme le Premier ministre.

Il y a un menteur dans la salle.

Le Premier ministre n’a pas dit qu’il avait révoqué Ram Dharmea ou qu’il allait le faire aussitôt après son discours télévisé. Non, il a dit que le directeur du MMS a donné son sac, sous-entendu qu’il a été incompétent dans ses fonctions, qu’il avait fauté et qu’il en tirait les conséquences.

Le Premier ministre a eu recours à son talent très spécial qu’il utilise lorsqu’il le faut pour diffuser les crises. Il fait le dos rond en espérant que la tempête passe. Ça marche. Sinon, c’est « Pas moi ça, li ça ». C’est précisément la solution qu’il a adoptée en faisant porter le chapeau de la mauvaise gestion de la crise au directeur des services de la météo. Ils ont été nombreux les Mauriciens qui se sont immédiatement dit que le météorologue faisait le bouc-émissaire tout désigné. Il est sacrifié sans ménagement à l’autel de l’incompétence. Pravind Jugnauth, lui, a sans doute espéré que ce dernier courberait l’échine et se morfondrait dans le silence.

Ram Dharmea a fait des études et des recherches poussées — il détient un doctorat — dans son domaine. Il a notamment amélioré le système d’enregistrement de la pluviosité à Maurice. Mais ce lundi soir, le voilà devant ce moment charnière où il doit prendre une décision majeure, celle qui consiste à défendre sa dignité ou à se taire. Après vingt-quatre heures, il a brisé le silence. « I wish to bring to your attention that I never submitted my resignation nor have I officially stepped down », proteste-t-il dans une lettre adressée mardi au Secrétaire du Cabinet Pramod Neerunjun, aussi chef de la fonction publique. Il affirme avoir accompli sa tâche comme il se doit et qu’il n’a rien à se reprocher. Et d’ajouter : « As the Right Honorable Prime Minister wisely stated, everyone should take his responsibility. I refuse to be the scapegoat just to ease tension and manage public opinion ».

Il y a définitivement un menteur dans la salle. Qui ?

Covilen Narsinghen

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